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Jeudi 14 avril 4 14 /04 /Avr 00:00

Les américains ne pensent qu'à ça. Les français aimeraient bien s'y mettre plus souvent. Mais qui en a eu l'idée le premier ? Petite histoire de la pipe en deux temps, trois mouvements.

 

Par Nicolas Santolaria le 9 août 2000

 

Alors qu'elle s'est depuis longtemps convertie à la culture de l'alimentation rapide américaine, la société française reste à la traîne en matière de sexualité. La petite fellation que les yankees consomment sur le pouce entre deux portes capitonnées est encore, chez nous, un sujet tabou, voire même, en certains endroits de l'hexagone, le signe ultime de l'attachement sentimental (" Allez, je t'en fais une petite, mais c'est vraiment parce que je t'aime. ") Soyez prévenus, ces choses là risquent de changer. En effet, des OGM aux mœurs les plus privés, l'Amérique a pour vocation de s'imposer à nous sans que nous puissions émettre la moindre réserve. En modifiant la structure économique de nos sociétés, elle change jusqu'à nos comportement sous la couette et remodèle nos envies en profondeur.

Coups de langue tournoyante

Aujourd'hui, la pipe telle qu'elle est pratiquée au pays de l'ultra-libéralisme n'est rien moins que le reflet d'un individualisme forcené à dimension hédoniste, une philosophie " politique " qui déteint sur nous un peu plus chaque jour. Dans cet univers contractuel (" Je te suce mais, s'il te plaît, lâche moi la grappe !") , le rapport intime finit par devenir lui aussi un rapport d'échange, souvent non payant, mais pas toujours désintéressé. A grand coups de langue tournoyante, les jeunes américaines en soquettes blanches mesurent le pouvoir qu'elles possèdent sur les hommes, ces êtres si vulnérables au contact d'une cavité humide et goulue. Dans un récent article du New-York Times, le docteur Levy Warren avançait un chiffre enthousiasmant : selon lui, les concitoyennes de Monica Lewinski pratiquent en toute nonchalance de 50 à 60 turluttes avant de connaître leur premier rapport sexuel (NDLR : avec pénétration).

Sans danger

Dans une société où la rapidité et la rentabilité sont érigés en totems, la fellation s'impose donc comme la figure sexuelle la plus actuelle. Elle se pratique avec célérité, sans engagement et sans enlever ses vêtements. Autres avantages : elle est perçue comme étant sans danger et ne risque pas de déboucher sur une grossesse accidentelle. Bref, c'est super ! Mais, pour les Quaterbacks de l'université de Sacramento, il n'a pas toujours été aussi facile de se faire pomper en toute amitié. Au milieu des années 70, la fellation restait, pour beaucoup, un continent inexploré, un sujet tabou. Il aura fallu attendre le formidable impact du film Gorge profonde pour que la situation se débloque. Dans ce monument du cinéma porno et avec une émouvante dextérité, Linda Lovelace décomplexe le yankee et sa bobonne, annonçant par la même occasion l'avènement d'une nouvelle génération dont l'éducation sexuelle se fera par le biais des films X.

Oral sex

Quelques deux décennies plus tard, la société américaine, toute entière imprégnée de cette nouvelle culture linguale, en vient même à excuser Bill Clinton de s'être autorisé une petite gâterie avec une demoiselle à béret. Devant les médias, le joueur de saxophone expliqua que, finalement, tout cela n'était pas bien grave, juste un peu " d'oral sex ", rien de très adultérin ; et le peuple américain lui pardonna cette furtive séance de touche-pipi. Mais au fait, d'où est venu aux êtres humains l'idée saugrenue de mettre en contact leurs bouches et leurs appareils génitaux respectifs ? Pour qu'une jeune stagiaire de la maison blanche se retrouve avec l'engin le plus puissant de la planète dans la bouche, il aura fallu que Lucy se livre à une pratique jusqu'alors inconnue que les spécialistes de la préhistoire assimilent à une paléo-fellation.

O miracle

Comme celui qui en a bénéficié n'est plus là pour témoigner aujourd'hui et que ses déclarations n'ont pas été enregistrées, il faut s'en remettre à des traces plus fiables et notamment celles que l'on trouve en grattant du côté de l'Egytpte ancienne. Là-bas, la culture de la fellation a imprégné la mythologie, donnant lieu à de savoureuses histoires qu'on se racontait, entre deux coups de fouet, au bas des pyramides. En voici une. Un jour, le pauvre Osiris se fait dégommer par son frère qui, non content de lui avoir ôté la vie, le découpe en morceaux. Sa sœur Isis, ivre de douleur, se met à rassembler les pièces du puzzle et à les recoller, avant de s'apercevoir que la zigounette d'Osiris est introuvable. En bonne sœur, elle décide donc de lui en fabriquer une en terre glaise et de la sucer vaillamment afin de lui insuffler la vie. O Miracle. Pompé comme le pétrole de l'Erika, Osiris remonte à la surface et quitte le royaume des morts. Happy end.

Aspire-miettes

En nouvelle Guinée, d'anciennes inscriptions à visées pédagogiques vont dans le même sens, assimilant le liquide obtenu suite à la fellation à une source de vie, voire même de survie. Quant aux indiens, ils ont consacré un chapitre entier dans le Kamasutra version longue à cette divine pratique autrement dénommée auparishtaka. Mais au delà d'un simple plaisir, la fellation a longtemps symbolisé, dans certaines cultures, un rapport de domination. Chez les soldat romains, elle était envisagée comme un droit de réparation, une manière de faire payer des dommages et intérêts. Si quelqu'un démolissait le feu arrière de votre char, vous pouviez ainsi refuser le constat amiable et l'obliger à vous faire une petite succion sur le champ. Dans ce contexte ultra-machiste où mieux valait ne pas griller les priorités, le suceur se voyait considéré comme un banal sous-homme, rabaissé par son acte au rang d'aspire-miettes.

Ce genre de faiblesse labiale

Le rapport à la pipe est à peu près similaire chez les Incas : dans cette ancienne civilisation aujourd'hui disparue au milieu d'arbres touffus, plus on se fait sucer et plus on est fort ; plus on suce et plus on se rapproche de la lie de l'humanité. Signalons également que les curés, au XVIIIème, n'hésitait pas à s'épancher dans la bouche de leurs ouailles, ayant ainsi le sentiment de respecter leur vœux de célibat, un peu comme Bill Clinton respecte ses engagements de fidélité envers sa femme. Dans ce vaste panorama historique et ethnologique d'une précision à faire pâlir un professeur au Collège de France, l'heure est venue de révéler au monde incrédule l'existence d'une culture anti-fellation, la seule connue à ce jour : les Inuït. Dans cette peuplade vivant au milieu des vastes étendues glacées, on n'aime pas vraiment ce genre de faiblesse labiale. Avouez qu'il est plutôt comique d'apprendre que les esquimaux refusent de se faire sucer. Peuple pudique, dévorés par la promiscuité de leurs habitations, ils sont également les seuls à pratiquer l'orgasme silencieux, ce afin de ne pas déranger le voisin qui dort à quelques centimètres.

"La fellation va s'imposer massivement "

Quant à nous, il semble que notre destin proche soit situé aux antipodes de celui que connaissent les habitants de ces contrées réfrigérées. Selon toute vraisemblance et selon Olivier Malnuit, la fellation va s'imposer massivement à nous dans les années qui viennent, sans même que nous nous en apercevions (hourra !). Et dans cette course effrénée au plaisir, les plus vernis seront, comme d'habitude et comme le laisse entendre le rapport Spira-Bajos de 1993, les gens à niveau d'étude et à statut social élevé. Face à cet inévitable devenir, une question se pose : rêvons nous vraiment de nous faire sucer comme des américains, de s'introduire dans une bouche comme on va au drive-in ? Oui et non. Oui, parce que c'est bon. Non, parce que nous ne voulons pas voir la pipe vidée de son contenu, amputée de son caractère exceptionnel et magique. Nous ne voulons pas qu'elle connaisse le sort de toutes les choses que la société consumériste offre à notre appétit conditionnées par paquet de dix.

Logique de confusion des genres

Ainsi, dans le monde-marchandise où nous survivons, le pire qui puisse arriver à la fellation, c'est de connaître le même destin que la contestation. Aujourd'hui, des gens brassent des millions habillés avec des Tee-shirt Che Guevara, d'autres entonnent sans complexe des chants révolutionnaires sud-américain alors qu'ils suintent la domination par tous les pores de leur peau. Ils croient pouvoir ainsi acheter le respect, se briquer la conscience à peu de frais. Dans cette même logique de confusion des genres, demain, on se fera sucer avec une mentalité de consommateur et on ne comprendra pas, pourquoi, à chaque pipe, on perd un peu plus d'intensité dans le plaisir, on voit s'amenuiser cette subtile électricité qu'on avait ressentit, jadis, lorsqu'on était amoureux. Oui, demain on se fera sucer, mais on sera irrémédiablement seul, entourés par des prestataires de service.

Nicolas Santolaria le 9 août 2000

Par Civodul Civodul - Publié dans : bouche
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